Le transfert des cotisations sociales vers la CSG: un changement de modèle social

Le transfert des cotisations sociales vers la CSG: un changement de modèle social

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Le gouvernement d'Édouard Philippe envisage de supprimer deux cotisations sociales payées par les salariés et de relever la CSG. Une mesure présentée comme un soutien au pouvoir d'achat. Mais les gains de pouvoir d'achat seront inégalement répartis et cette décision induit un changement complet et majeur de modèle social pour la France.

 

Le transfert de deux cotisations sociales salariales vers la contribution sociale généralisée (CSG) est une des mesures phare du programme d’Emmanuel Macron. Sa mise en place a été confirmée pour le 1er juillet 2018 par le premier ministre Édouard Philippe et présentée comme une mesure de soutien au pouvoir d’achat. Pour rendre la mesure encore plus visible, le ministre de l’action et des comptes publics Gérald Darmanin a, du reste, dès ce mercredi 7 juin au matin, annoncé le report d’un an, « pour permettre un audit et une expérimentation », de la retenue à la source de l’impôt sur le revenu. La mesure, il est vrai, ne faisait pas l’unanimité, notamment au sein de l’administration fiscale. Mais l’occasion était aussi trop belle. L’effet de ce transfert des cotisations vers la CSG sur la feuille de paie eût été invisible pour les salariés en cas de passage, le 1er janvier prochain, à la retenue à la source.

 

Y aura-t-il réellement un gain de pouvoir d’achat ? La mesure envisagée prévoit de supprimer deux cotisations payées par les salariés : la cotisation santé (0,75 % du salaire brut) et la cotisation chômage (2,4 % du salaire brut). Parallèlement, la CSG sera relevée de 1,7 point pour se situer à 9,2 % d’environ 98,25 % du salaire brut. Pour l’immense majorité des salariés, il y aura donc un gain net. D’un côté, le salaire augmentera de 3,15 % du salaire brut, de l’autre il baissera de 1,67 % du salaire brut. Soit une augmentation de 1,48 %. Pour un Smic, soit 1 480,27 euros brut par mois, le gain sera de 21,9 euros mensuels, soit 262,8 euros annuels.

 

Globalement, les gains de pouvoir d’achat progressent proportionnellement avec les revenus. Selon les calculs du cabinet FiDroit publiés mardi 6 juin dans Le Figaro, un salarié gagnant 20 000 euros mensuels récupérera dans ce transfert vers la CSG 1 690 euros annuels, soit 130 euros mensuels. Cela pose un problème en termes macroéconomiques. Pour deux raisons. D’abord, la mesure va augmenter les inégalités entre les salariés. Ensuite, on sait que les gains de pouvoir d’achat issus des baisses d’impôts favorables aux plus fortunés finissent plus volontiers dans l’épargne que dans la consommation. Pour développer la consommation, il faudrait plutôt favoriser les salaires les plus modestes.

En réalité, la situation est plus complexe. En effet, les cotisations chômage sont calculées au maximum sur quatre fois le plafond de la Sécurité sociale, soit 13 076 euros. Pour les salariés gagnant davantage, la suppression de la cotisation chômage ne sera donc calculée que sur les 13 076 premiers euros. En revanche, la CSG frappera toujours 98,25 % du salaire brut. Les gains vont donc commencer à diminuer et, selon FiDroit, il y aurait même une perte sèche à partir de 33 450 euros brut mensuels. Un salaire très élevé et… très rare. Mais formellement, les salariés les plus riches ne sont donc pas les mieux lotis. Les grands gagnants de la réforme seront donc les classes moyennes supérieures. Le cœur de l’électorat d’Emmanuel Macron.

Pour les catégories de Français qui ne sont pas salariés du secteur privé, la mesure sera au mieux neutre, mais parfois négative. C’est l’esprit même de la mesure : l’avantage de la CSG est de s’asseoir sur une assiette plus large que les cotisations. On fait donc payer les non-salariés et les revenus du capital pour les salariés. À noter cependant que, concernant les revenus du capital, cette hausse sera compensée par l’introduction du prélèvement forfaitaire unique (PFU) qui alourdira la fiscalité pour les petits revenus et l’allégera pour les plus élevés. Au bout du compte, donc, la mesure sera inégalitaire, là aussi.

Ceux qui devront payer seront principalement les retraités qui déclarent plus de 1 200 euros mensuels (1 837 euros pour un couple) de revenus. Les retraités qui déclarent moins ne seront pas concernés par le relèvement du taux de la CSG. Les autres verront donc leurs pensions amputées de la hausse de la CSG sans compensation. Pour 3 000 euros de pension mensuelle, la perte sera de 50 euros mensuels, soit 600 euros par an. Le gouvernement prétend que ces retraités touchés pourront bénéficier de la suppression de 80 % de la taxe d’habitation. Certes, mais, comme cette mesure sur la fiscalité locale concernera aussi les salariés, l’effet d’inégalités perdurera. De plus, les retraités déclarant plus de 20 000 euros par an ne sont pas concernés par la suppression de la taxe d’habitation et devront assumer complètement la hausse de la CSG. Enfin, ces mesures s’inscrivent dans l’accord de novembre 2015 sur les retraites complémentaires qui prévoit une baisse du pouvoir d’achat.

Parmi les autres perdants de la mesure, on trouve aussi les chômeurs indemnisés dont l’allocation est soumise à la CSG et qui seront également mis à contribution. Enfin, les fonctionnaires et les indépendants ne paient pas de cotisations salariales, mais s’acquittent de la CSG. Le gouvernement a promis des mesures de compensation qui restent à définir, mais qui ne seront que des « compensations », il n’y aura donc pas d’amélioration du pouvoir d’achat de ces catégories.

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